Are you ready to come back ?

Calme. Tout était beaucoup trop calme. Rien ne semblait se passer pour le commun des mortels. Les parents allaient déposer leurs enfants à l’école, avant d’aller eux-même travailler. Ils vivaient tranquillement : métro, boulot, dodo. Les informations télévisées ne relayaient plus que des informations joyeuses – comme la naissance du premier petit ours dans le zoo de la ville bien que tout le monde s’en contrefichait royalement. Il n’y avait plus d’alertes infos comme quoi la ville serait en proie à des forces maléfiques, que la colère que ressentaient les citoyens de cette petite ville était la conséquence de sources démoniaques. Non, tout le monde semblait vivre au pays des bisounours. Néanmoins, on ne la faisait pas à Ilana Alom. Elle ne connaissait que trop bien le diction « Après le beau temps, la tempête ». Et le soleil avait bien trop brillé à PassMagic depuis quelques semaines. Et ça ne semblait pas être de bon augure. Avachie sur le canapé, au beau milieu de la nuit, elle zappait de chaîne en chaîne. Chasse et pêches, puis Oui-Oui avec ses amis… Putain mais qu’est-ce qu’il clochait ? Pourquoi tout avait changé pendant son bref séjour loin de Pass-Magic ? Elle n’avait quitté la ville que pendant quelques mois, le temps de faire le point sur elle-même. Elle n’avait donné de nouvelles qu’à Kalia, bien évidemment. Elle ne pouvait la laisser dans la crainte qu’il lui était arrivé quelque chose de grave. Après tout, PassMagic restait PassMagic et tout le monde savait qu’une disparition soi-disant volontaire pouvait être un crime, assassinat ou bien pire. Une main dans un paquet de chips bien trop salé, elle jeta la télécommande sur le bas côté. C’était peine perdue… elle ne reconnaissait pas cette ville. SA ville, même si à de nombreuses reprises, elle aurait voulu la faire brûler, l’éradiquer de cette Terre. Mais c’était pourtant là où elle avait grandi, là où elle avait appris la vie, ses travers et ses bons côtés.

Elle jeta un coup d’œil à son appartement – sa maison ayant été brûlée et réduite en cendres. Les cartons étaient encore pleins, Ilana n’étant revenue que depuis quelques heures. Elle n’avait pas eu le courage de les ouvrir, de faire face à ses souvenirs. Elle aurait dû tout mettre dans un garde meuble, et se racheter de nouveaux meubles, de nouvelles affaires. Mais Ilana n’en avait pas eu le courage, décidément c’était une qualité qui lui faisait bien défaut. Elle engloutit sa dernière chips avant d’avancer lentement vers son lit qui n’attendait plus qu’elle. Son appartement était minuscule, mais elle n’avait pas les moyens de s’offrir un meilleur nid. Elle s’affala sur son lit, le regard fixé au plafond. Bordel, c’était trop calme, elle pouvait entendre sa propre respiration. Ce petit appartement était bien loin de son ancien quartier, de ces petites maisons aux allures de maison de famille. Après tout, Ilana n’avait pas besoin de 3 étages, un grenier, un jardin où mettre une balançoire… Elle était seule et sans enfants. Crécher chez Kalia ? Elle y avait bien pensé, mais c’était… risqué. Qui d’autre de la princesse Kalia Alena était plus surveillée par les démons ? Et ce soir, Ilana n’avait pas particulièrement envie que son retour fasse les gros titres parmi la communauté démoniaque. Elle ferma les yeux, profitant de ce silence étrange pour trouver enfin le sommeil. Mais…

Le lit sur lequel la jeune femme s’était laissée choir était un peu dur à son goût. Il aimait qu’un matelas épouse ses formes, comme si elle était lovée dans un nuage doux et mœlleux. Ilana ne sentit pas tout de suite une présence dans son appartement. Pendant ses longs mois loin de Pass-Magic, peut-être avait-elle perdu en vigilance. Peut-être était-elle moins aux aguets, moins sur le qui-vive. C’était sans doute de l’imprudence. Après tout, malgré le silence de la nuit, le Mal rodait toujours, et Ilana avait toujours été une proie de choix pour les démons. Merlin seul savait pourquoi, la jeune Alom aurait préféré être une inconnue dans cette ville et vivre comme bon lui semblait. Ilana sursauta lorsqu’elle sentit une main au sein de la sienne. Elle ouvrit rapidement les yeux, et son regard se bloque instantanément. Elle aurait pu rêver pire réveil… Zark. Il était devant elle, le regard sans colère ni griefs. Après tout, le jeune homme pourrait être déçu qu’elle n’ait pas cherché à le joindre suite à son retour. Peut-être avait-il encore en travers de la gorge le départ précipité de la jeune femme. Mais non, il n’en était rien. Seul un regard bienveillant engloba la jeune femme.

«  Si on m’avait dit à l’époque que même après toutes ces années mon cœur continuerait de battre pour toi comme au premier jour de notre rencontre, je ne l’aurais sans doute jamais cru.  Je suis ravi de te revoir, même si je n’imaginais pas te recroiser dans cette ville. Que fais-tu dans ce vieil appartement ? »

Ilana laissa échapper un petit sourire. Il n’avait aucune amertume dans sa voix. Et elle sentait qu’il était heureux de la revoir… même après des mois, des années, il sera toujours ravi de revoir la jeune femme. Ilana se releva un peu sur son lit, et se rapprocha du démon. Par où commencer ?

« Tiens, tiens… Et moi qui pensais que tous les démons avaient fini par déserter Pass-Magic. »

Ilana lui adressa un sourire chaleureux, et resserra un peu plus la main de Zark. S’il ne devait rester qu’un seul démon à Pass-Magic, Ilana voulait que ce soit Zark. S’il ne devait rester qu’un être sur Terre, elle voulait que ce soit lui.

«  J’ai beaucoup voyagé tu sais pendant ces derniers mois… J’ai rencontré du monde, j’ai beaucoup appris. Le Chili, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. Chaque pays a été une découverte, une révélation. Chaque rencontre m’a permis de me reconcentrer sur ma vie après… tout ce que j’ai traversé. Tout ce que nous avons traversé.»

Ilana englobait volontairement Zark dans son passé. Après tout, depuis le décès de sa grand-mère, et sa découverte de ce monde qu’elle ne soupçonnait point, Zark aura toujours été là. Certaines fois, c’était pour le pire… mais le meilleur l’avait toujours emporté. Peut-être Zark comprenait alors que malgré les milliers de kilomètres qui les avaient séparés, Ilana n’avait pas tiré un trait sur ces dix dernières années passées ici.

«  Mais il vient un moment où… home sweet home. Je déteste cette ville. Je déteste ce que j’y ai vécu mais… c’est chez moi. »

Ilana passa une main dans ses cheveux. C’est vrai qu’elle détestait cette ville où elle avait vu tant d’horreurs, de meurtres et de torture. Néanmoins, comme les tortues qui rentrent mourir là où elles sont nées, Ilana avait fait de même. Malgré son aversion pour Pass-Magic, c’était ainsi… On ne tourne pas le dos à une telle ville. C’était impossible.

«  Et ce vieil appartement ? Oh tu sais… j’ai beaucoup dépensé ces derniers temps à voyager sans trop compter alors maintenant., j’suis un peu à sec ! »

Elle ne voulait pas faire pitié à Zark. D’ailleurs, elle resta un moment silencieuse. Est-ce que Zark avait une quelconque notion de ce qu’était l’argent ? Après tout, ils n’en avaient jamais parlé tous les deux. Pire encore. Ilana ne savait pas de quoi vivaient les démons. Sauf du crime, évidement.

«  Puis, je me voyais mal débarquer chez toi comme une fleur… En quelques mois, on sait que beaucoup de choses peuvent se passer. N’est-ce pas Zark ? »

Elle resta volontairement à distance de cet homme qui l’attirait un peu plus chaque jour. Elle voulait lui laisser une porte de sortie si la distance qu’Ilana avait mise entre eux avait brisé quelque chose dans leur relation.

« Et je suis revenue ici puisque ça fait dix années jour pour jour que j’y ai mis les pieds. Dix longues années… et je n’ai pas vieilli d’un cil ! »

Ilana laissa échapper un petit rire. Bien sûr qu’elle avait vieilli. Son visage avait pris « du souci » comme disaient les humains. Elle avait plus de cernes, son visage avait perdu ses rondeurs juvéniles. Son corps avait également changé mais Ilana était persudaée que Zark avait bien travaillé ce sujet-là.

« Et… donc… qu’as-tu fait pendant tout ce temps ? »

Ilana passa sous silence les excuses. Excuse-moi d’être partie, excuse-moi de ne pas avoir donné de nouvelles. Excuse-moi, tout court. Entre Zark et elle, les excuses étaient à présent tacites. Seul le futur comptait, n’est-ce pas ?